Origine et définition du mot prestidigitateur
Le mot de prestidigitateur (qui a donné par extension prestidigitation), est formé du couple de mots latin presto (l’agilité) et digiti (les doigts). Le prestidigitateur est donc par essence même l’artiste qui parvient, à l’aide de manipulations plus ou moins complexes – mais souvent secrètes – à émerveiller le spectateur dans la réalisation d’un tour de magie. On pourrait se poser la question de la différence réelle qu’il y a entre prestidigitateur, illusionniste, magicien ou encore avec le terme plus ancien d’escamoteur. Si ces mots désignent au fond tous le même genre d’artiste, on considère généralement que le prestidigitateur effectue des tours reposant essentiellement sur des manipulations des mains, tandis que les termes d’illusionnisme et de magicien sont plus vagues et englobent plus volontiers cet art sous sa forme plus large. Enfin, le terme d’escamoteur renvoie surtout à la figure du joueur de gobelets, particulièrement vers le XIXe siècle, où ce terme était plus utilisé qu’aujourd’hui. On aurait également pu parler des termes de physiciens ou encore de joueur de gobelets. Retenons simplement que de nos jours, tous ces termes sont plus ou moins des synonymes pour désigner le magicien tel qu’on l’entend.

Une origine floue
Un débat existe quant à l’origine de ce terme et de son inventeur. Le mot prestidigitateur serait apparu pour la première fois sous l’impulsion de Jules de Rovère, magicien français du XIXe siècle, qui fit apparaître en gros ce nouveau terme dans ses affiches annonçant ses spectacles.
Le célèbre magicien Jean Eugène Robert-Houdin (voir un article de blog dédié à sa vie ici), contemporain de Jules de Rovère, lui en attribue lui-même la paternité dans ses mémoires :
« […] Jules de Rovère, qui le premier se servit d’un mot généralement employé aujourd’hui pour qualifier un escamoteur de renom. Jules de Rovère était fils de parents nobles, ainsi que l’indique la particule qui précède son nom. En montant sur la scène, le physicien aristocrate voulut un titre à la hauteur de sa naissance. […] On vit donc un jour, sur une immense affiche de spectacle, s’étaler pour la première fois, le titre pompeux de prestidigitateur ; l’affiche donnait en même temps l’étymologie de ce mot : presto digiti (agilité des doigts). […] Ce mot, ainsi que celui prestidigitation du même auteur, fut promptement adopté par les confrères de Jules de Rovère, tant ils furent séduits par d’aussi beaux noms. »
Qui mieux que Robert-Houdin peut connaître le paysage magique de cette époque, d’autant qu’il admet lui-même avoir rencontré Jules de Rovère en personne chez le marchand de trucs Roujol ?
Si Robert-Houdin indique dans ses mémoires que le mot « prestidigitateur » est créé par Jules de Rovère en 1815, la première occurrence connue se trouve dans un article du Journal de Lyon du 21 mai 1819 qui mentionne l’arrivée de voitures – le 17 du courant – où sur l’une d’elle on pouvait lire : « Fourgon en poste, faisant partie des équipages de Mr. Jules Rovère, PRESTIDIGITATEUR. »
Si ces nombreux indices tendent à indiquer que Jules de Rovère a bien inventé le mot, la preuve formelle en restera certainement à jamais introuvable. En revanche, un autre terme, celui de prestigiateur – très proche de prestidigitateur – existait quant à lui bien avant Jules de Rovère puisqu’on le retrouve dès 1611, dans A dictionarie of the french and english tongues compilé par Randle Cotgrave. Jules de Rovère s’est-il inspiré de ce mot pour reprendre sur ses affiches celui de « prestidigitateur » ? Quoi qu’il en soit, on ne pourra nier que c’est bien à Jules de Rovère que l’on doit cette popularité naissante du terme, popularité de plus en plus grandissante auprès du public au point que les mots « prestidigitateur » et « prestidigitation » font leur apparition en 1823 dans le Dictionnaire universel de la langue française. Pour toute définition du terme, l’auteur du dictionnaire (Pierre Boiste) explique que le prestidigitateur est une personne « qui fait des tours subtils avec les doigts, escamoteur ».
Le débat sur l’origine du terme de prestidigitateur
Un peu plus tard dans l’année 1819, un article de presse mentionne les séances des artistes Olivier et Châlon avec un détail qui pose question :
« […] Mr Olivier remplit toujours l’intervalle du temps d’un tableau à un autre, par des tours de dextérité et d’escamotage très adroitement exécutés ; et, quoiqu’il n’ait point pris le nom de Prestidigitateur, il le mérite assurément, à mon gré, autant que Mr Challon, qui a seulement de plus que Mr Olivier un brevet d’invention pour avoir créé un mot nouveau, en faveur des escamoteurs qui rougissent de prendre tout simplement le nom de leur état. Pour moi, je pense qu’il aurait dû plutôt imaginer de nouveaux tours que de nouveaux noms. »
Ainsi, cet article, bien que postérieur au Journal de Lyon où apparaît pour la première fois le mot prestidigitateur, semble indiquer que le magicien Châlon Maffey aurait été l’inventeur de ce nouveau terme. S’il est vrai que l’artiste utilise ce nouveau terme dans ses encarts publcitaires contemporains à ceux de Jules de Rovère, la première occurrence retrouvée à ce jour reste une à propos de ce dernier. Si la rigueur nous obligeait à mentionner ce fait, nous écarterons donc l’hypothèse Châlon Maffey pour supposer une paternité à Jules de Rovère.
Par la suite, le terme de prestidigitation sera de plus en plus utilisé par de nombreux artistes au point de remplacer presque complètement la physique amusante et l’escamotage.
Quelques synonymes pour qualifier l’illusionniste
On donnera ici la liste de ce que nous considérons comme synonymes au terme de prestidigitateur :
- Illusionniste
- Magicien
- Physicien (dans le sens de physique amusante)
- Escamoteur
- Joueur de gobelets
- Mentaliste si les expériences présentées sont de l’ordre de la magie mentale
Quelques noms de magiciens célèbres de toutes époques
Sans aucune hierarchisation ni exhaustivité, nous donnons ici une liste de quelques noms qui ont su s’imposer au fil des années. Quoi qu’on en dise, ces artistes ont marqué une époque, voire l’Histoire, que ce soit pour leurs expériences de magie de scène ou plus tard en magie de proximité.
Robert-Houdin ; Buatier de Kolta ; Bénita Anguinet (voir le livre publié à son sujet juste ici) ; Dai Vernon ; Doug Henning ; Maskelyne ; David Devant ; P. T. Selbit (ayant popularisé la femme coupée en deux) …