
Selon Freud, "la soif de connaissances de l'Homme vient de son désir de maîtriser le monde qui l'entoure." A la Renaissance, l'Art magique est devenu un moyen unique pour y parvenir, en s’alliant à la connaissance.
Ainsi, le savant capable de pratiquer la magie était en même temps un philosophe qui mettait son art au service de la science.
Ainsi la Renaissance allait sortir de son ornière de l'hérésie et de la diablerie.
1- Renaissance et Magie.
Magie et science allaient désormais être conciliables et capables de donner un sentiment de toute-puissance, dans la pensée comme dans l’action.
L’éducation traditionnelle ne semblait plus en mesure de donner les instruments pour connaître la réalité et affronter ses problèmes. La religion aurait-elle failli à trouver le Paradis en construisant les tours des cathédrales ?
La science aurait-elle failli, elle aussi, en parcourant le tour du monde pour trouver un Paradis sur Terre ? Et si le Paradis était en l'Homme ? C'est ce que prétend l'Humanisme.
On se tourna alors vers d’autres approches plus magiques, et on commença à cultiver le "Noûs", cette faculté intuitive de l’homme.
"Noûs" et magie furent donc unis dans la quête d’une autre forme de connaissance : interagir directement avec le monde, et changer la destinée humaine.
Le savant pensait que la magie permettrait d’obtenir de tels effets. Le mage se substitua ainsi, grâce à son art, à Dieu : la pensée magique lui conféra le pouvoir d’agir sur les choses et de les modifier à son gré. C'est une révolution.
On le sait, la Renaissance tire son nom de cette furieuse envie de tirer un trait sur l'obscurantisme médiéval, obsédé par la peur de l'Enfer et la recherche d'un Paradis céleste.

Représentation de l’Enfer sur le plafond de l’église de St Méard de Drone (Dordogne)

Jan Brueghel (1568-1625), "La terre ou le paradis terrestre" (détail). © Musée du Louvre/The BridgemanArt Library
C'est en rejetant le Moyen-Age, que la Renaissance allait se jeter dans l'adoration d'une Antiquité idéalisée.


« L'École d'Athènes » de Raphaël. Cette fresque symbolise les figures majeures de la pensée antique, l’univers de la Philosophie comme un chemin vers la connaissance. Palais du Vatican, 1511
Au milieu de cette émulation, les artistes allaient soudain changer de statut, reconnus comme de véritables créateurs, signant désormais leurs œuvres, et se distinguant des artisans.
2- Léonard de Vinci, magicien.
Un de ces artistes les plus emblématiques fut évidemment Léonard de Vinci, génie créatif aux innombrables talents ; peintre, homme d'esprit, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète philosophe, inventeur militaire, ingénieur, écrivain, musicien, anatomiste et magicien !
Bref, un artiste absolu, libre, inclassable, avant-gardiste et iconoclaste, qui n'hésita pas à critiquer le discours officiel de l'Eglise dans des œuvres qui firent scandale.
C'est en se plongeant, lui aussi, dans la période antique que Léonard de Vinci allait redécouvrir les automates de théâtre et toute la machinerie décrits dans le "Traité d'architecture" de Marcus de Vitruve (1er siècle avant JC) par exemple.
En 1490, à l'occasion du mariage de Galeazzo Visconti avec Isabelle d'Aragon, De Vinci présenta des numéros d'illusions, comme des jeux de miroir ou l'apparition d'une "divinité céleste dans les nuages" ! On retrouve une autre trace de ses représentations à Milan en 1493.
Portrait de Vitruve (Marcus Vitruvius Pollio), architecte romain du Ier siècle av. J.-C.

« Le Codex Atlanticus”.
En 1497, on retrouve également des écrits magiques dans son "Codex Atlanticus" ou dans l'ouvrage "De Vinbus Quantitatis" de son ami Luca Pacioli qui regroupe plus de 300 expériences de tours mathématiques, physique amusante, tours de cartes-probablement les premiers- ou les premiers codes de mentalisme !
Il n'est pas très étonnant que le Roi de France François 1er, passionné d'arts, de lettres et de magie, l'invita à sa Cour à Blois (ville devenue, depuis, indissociable de Robert-Houdin, vivant à quelques mètres de là !) pour assister à la démonstration de ses automates.
On sait que De Vinci s'intéressait également à d'autres formes de divertissement pour animer les arts de la table : élaboration de fontaines de table ou autres changements d'eau en vin.
C’est donc dans cette effervescence que se développa la pensée magique.
Magie et science avaient donc tout pour se rencontrer : en partant du même principe, déplacer la puissance depuis Dieu jusqu’à l’Homme.
Peu à peu, un esprit « fou » et créatif entoura la magie.
Depuis, la toute-puissance de la science a remplacé Dieu, elle règne comme ne l’a pas fait la magie : il ne tient qu'à "Noûs" de la réveiller auprès de notre public !