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La dévotion à son art : Chung Ling Soo

Sébastien Thill
"Chaque tour de magie est constitué de trois parties ou de trois actes. On appelle le premier acte " la Promesse " : le magicien vous montre une chose ordinaire. Le deuxième acte s'appelle " l'Effet ". Le magicien prend la chose ordinaire et lui fait faire quelque chose d'extraordinaire. Mais vous n'êtes pas encore prêt à applaudir parce que faire disparaitre une chose n'est pas suffisant : il faut aussi la faire réapparaitre. Vous cherchez alors la clé du mystère, mais vous ne la trouvez pas parce que vous ne la cherchez pas vraiment, vous ne voulez pas réellement la connaitre. Vous voulez être dupés."



Le cabinet des illusions livreC'est par ces mots que commence le chef d'œuvre de Christopher Nolan, Le Prestige, un film sombre qui nous plonge dans l'univers de la magie, et dans l'Angleterre de l'époque victorienne.

Une sorte de vengeance, façon Comte de Monte Cristo, chauffée à blanc par la révolution industrielle, et que le charbon des hauts-fourneaux attise. Un conte Steampunk qui traite aussi de l'Art et de la dévotion à celui-ci. 

Si vous avez apprécié cette ambiance, vous devez absolument lire une toute nouvelle série de romans, intitulée Le Cabinet des Illusions (un titre prédestiné pour apparaître sur ce blog !) créée par Jean-Luc Bizien (membre de la Ligue de l'Imaginaire et lauréat de nombreux prix littéraires).

Ce premier opus, Enquête à Vienne, 1902 nous invite à faire la connaissance de William Ellsworth Robinson, plus connu sous le nom de Chung Ling Soo, "le merveilleux magicien chinois".

Chung Ling Soo

Chung Ling Soo

Dans une époque marquée par la colonisation, beaucoup de domaines furent touchés par la mode "orientaliste", donnant un côté "exotique", "terre inconnue", contrastant avec l'uniformité d'un monde devenu industriel, et, pour beaucoup, ennuyeux.

Le spectacle vivant, et la magie ne furent pas épargnés : Malle des Indes, Anneaux Chinois, Corde du Fakir, Esprits du Japon et autres "sorcelleries indigènes" étaient proposés et mis en scène dans tous les théâtres à la mode.

Il faut d’abord savoir que le magicien Chung Ling Soo était en réalité américain, né le 2 avril 1861 dans une famille d’immigrés écossais. De son vrai nom William Ellsworth Robinson, il créa son personnage et changea d'identité aux yeux du monde, en devenant Chung Ling Soo. 

Ce personnage fut inspiré de Ching Ling Foo (1854-1922), un magicien chinois (véritable, celui-là !) qui se fit connaître en 1898 aux États-Unis, avec notamment un numéro intitulé "L’Homme invulnérable".  Ching Ling Foo lança le défi de reproduire ce tour à l'identique, en échange d'une coquette somme.

Robinson y parvint mais n'empocha jamais la somme promise, sans doute par faute de moyens de Ching Ling Foo. Dès lors, il se vengea en s'inspirant de ses numéros… même de son nom !

Les deux artistes se livrèrent dès lors à une joute verbale par médias interposés !

C’est à la mort de Robinson au cours d’un spectacle le 24 mars 1918, dans le numéro du Fusillé vivant, qu’il intitule ”Defying the Balls” et où la balle l’atteint réellement, que la supercherie fut finalement révélée.

Chung Ling Soo bullet catch

Chung Ling Soo a ainsi consacré sa vie à garder jalousement le secret de son personnage, l'obligeant à se grimer à chaque apparition publique, à faire mine de ne pas parler anglais, en bref, à tout sacrifier : son nom, ses origines, sa vie, tout ce qui constituait son identité. 

Dans ce roman Enquête à Vienne, une de ses représentations, chez une famille fortunée de Vienne, vire au drame : un meurtre est commis à l'issue du spectacle. Il devient alors le premier suspect... 

Nous voilà alors plongés avec lui, au cœur d'une enquête policière des plus palpitantes. Rebondissements, révélations, détournement d’attention tiennent le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page.

Une histoire qui se dévore à la manière d'un "page turner" les plus efficaces (tant les retournements de situation judicieusement placés à la fin de chacun des courts chapitres rendent la lecture impossible à arrêter !)

Mais au-delà des apparences de l'intrigue, se cache une réflexion très profonde sur la noblesse de l'art magique, puisque Ching Ling Soo va utiliser l'arsenal magique pour résoudre cette énigme.

Tous les moyens sont bons pour cacher ou révéler la vérité : observation, choix des accessoires, illusions, faux-semblants, apparition, disparition, bonneteau, prédiction, temps d'avance, misdirection, capacité à bâtir un scénario, à anticiper les réactions du public, climax... Toutes les illusions sont bonnes pour faire jaillir la réalité !  

Dans le roman de Christopher PriestLe Prestige, publié en 1995, le magicien Alfred Borden raconte comment il assista au spectacle d’un certain « Ching Ling Foo » à Londres. Ce vieux magicien chinois est obligé à chaque apparition publique de faire mine d’être physiquement affaibli, pouvant à peine marcher pour préserver le secret d’un de ses numéros. Un homme totalement dévoué à son Art, en somme.

Dans l’adaptation de Christopher Nolan, il est amusant de constater que le nom du magicien a été changé en… « Chung Ling Soo » ! 

C'est donc une réflexion très profonde sur l'art magique à laquelle nous convie Jean-Luc Bizien, mais aussi sur le pouvoir de la littérature et de l'Art en général.

Ne ratez pas les notes de bas de pages qui offrent tout au long du texte de précieuses informations sur l’histoire de la magie.

Un second opus est déjà prévu (un extrait est d’ailleurs présenté à la fin du roman), alors ne tardez pas à dévorer le premier, qui tient toutes ses promesses !


Le Cabinet des Illusions de Jean-Luc Bizien, est publié aux Editions Maison Pop.

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